Fisher Island, une île devenue le paradis des millionnaires face à la côte sud de la Floride, a fait l’objet d’un troc inhabituel entre deux riches Américains en 1925: l’un a donné son yacht à l’autre en échange de son île. Carl Fisher, promoteur de Miami Beach, a acheté l’île en 1919 et lui a donné son nom, selon un prospectus du consortium Fisher Island holdings. Six ans plus tard, son ami William Kissam Vanderbilt, l’un des hommes les plus riches des Etats-Unis, lui rend visite à bord de son yacht, “Eagle”, un bateau de 70 mètres. Vanderbilt s’enthousiasme pour Fisher Island et Fisher est enthousiasmé pour le yacht de son ami. Les deux hommes se mettent rapidement d’accord: mon yacht pour ton île. Vanderbilt se construit sur l’île une luxueuse maison, de type méditerranéen, avec un embarcadère pour le nouveau yacht qu’il s’est acheté, qui est encore plus grand que le “Eagle”. Il construit aussi un hangar pour son hydravion particulier, qui représentait à l’époque une excentricité, même pour un millionnaire. Après la mort de Vanderbilt en 1944, l’île fut vendue successivement à diverses personnes jusqu’à ce qu’elle soit achetée en 1979 par un consortium qui la convertit en l’une des destinations les plus luxueuses de la planète. La maison de Vanderbilt est aujourd’hui transformée en club privé pour l’usage exclusif des habitants de l’île. La cotisation d’adhésion obligatoire: une action négociable de 85.000 dollars. L’énorme hangar de l’hydravion abrite, quant à lui, un institut de beauté et un gymnase avec vue sur la mer.
Aujourd’hui, Fisher Island est l’un des lieux de villégiature les plus chers, les plus exotiques et les plus inaccessibles des Etats-Unis: Fisher Island, face à Miami (Floride), est une retraite dorée pour millionnaires du monde du spectacle, du sport ou de la politique. Julia Roberts, Sylvester Stallone, Brooke Shields, André Agassi, Boris Becker et son ex-épouse Barbara, Pete Sampras, Gloria Estefan, Mariah Carey ou la présentatrice-vedette américaine Oprah Winfrey, sont des habitués, quand ils ne possèdent pas une résidence sur place. Le secret ? Certainement ses 87 hectares au climat presque parfait en l’absence d’ouragans, ouverts sur l’Atlantique, ses plages de carte postale, son club très select, ses 18 courts de tennis, un héliport, son golf entourant des propriétés de type méditerranéen.
Mais surtout, Fisher Island est totalement fermé à la presse et au public. Il y a bien un ferry qui relie en sept minutes l’île à Miami Beach. Mais, pour y voyager, il faut être résident, ou invité. Le plus souvent c’est au volant de voitures de luxe que l’on embarque donc sur ce bateau très select.
Sur l’île, en revanche, les limousines restent au garage, la tradition voulant que l’on se déplace à bord de voiturettes de golf électriques. La pollution et le bruit ne font pas partie du monde de Fisher Island. Quelque 550 familles, originaires de 39 pays, possèdent une résidence secondaire à Fisher Island, mais seulement 100 y vivent toute l’année.
“Nous avons 70% d’Américains, 20% d’Européens et 10% de Latino-américains”, explique Phyllis Winick, l’un des dirigeants de l’agence immobilière de l’île. Le prix d’un appartement -le plus petit ayant une surface de quelque 300 m2 et les plus grands comptant 800 m2- oscille entre 1,5 et 6 millions de dollars. Quant aux villas -seulement une trentaine conçues pour une seule famille- elles coûtent jusqu’à six millions de dollars. “Au mètre carré, c’est l’un des lieux les plus chers du pays”, précise Phyllis Winick. L’île compte également un service de sécurité privé -cinquante gardes- une unité de pompiers, une équipe médicale et un petit centre commercial.
Il n’y manque rien. “C’est un paradis”, assure Dominique Kuhlman, résidente française à l’année. “Je ne suis même pas partie lorsqu’il y a eu une alerte à l’ouragan”, assure-t-elle. Mme Kuhlman évoque les vedettes du voisinage en employant des surnoms: “On les laisse en paix. On se dit bonjour, et c’est tout. J’ai beaucoup voyagé et connu tellement de gens…”, explique cette ex-épouse du président d’une multinationale qui passe ses journées au golf, au spa, à la plage ou en promenade. L’ancien président Bill Clinton s’est rendu fréquemment à Fisher Island, où il loge chez des amis. Le joueur de tennis André Agassi aime s’entraîner sur son court de tennis en herbe, en compagnie de Steffi Graff. Il pourrait facilement y croiser la “Spice girl” Melanie Brown, ou encore l’un des membres du groupe U2. Les habitants de Fisher Island accueillent ces nouveaux venus “avec un grand naturel”, assure l’attachée de presse de l’île, Sissy De Maria.
Il arrive toutefois, une ou deux fois par an, que des boat-people cubains ou haïtiens viennent s’échouer sur les plages de l’île recouvertes de sable importé des Bahamas. Les gardes les remettent immédiatement aux autorités américaines. Ce contact fugace entre les “balseros” et le paradis capitaliste est le seul événement qui trouble, de temps à autre, l’exubérante routine de Fisher Island.